Critique de L’enclos de Wabush de Louis-Karl Picard-Sioui
Par : Annie Dubé
La pièce L’enclos de Wabush, signée de la plume de l’auteur Louis-Karl Picard-Sioui, est une proposition de théâtre expérimental à la fois mystérieuse et intéressante.
C’est dans l’univers de Pierre Wabush que l’on plonge, tout comme lui d’ailleurs, alors qu’il vivra un grand voyage initiatique à l’intérieur de lui-même, dans une traversée introspective de son passé, de ses origines et de ses démons.
Paria malgré lui dans la communauté de Kitchike, un intrigant rite magique le propulse dans le vide abyssal de son cœur. Les quelques amateurs de la télésérie Twin Peaks de David Lynch y reconnaîtront peut-être certains parallèles, comme ce fut mon cas, particulièrement avec cette boîte – cet enclos – qui s’anime comme le vortex vertigineux entre des mondes parallèles, au fin fond de l’univers de l’existence.
La mise en scène de Daniel Brière et de Dave Jenniss offre d’ailleurs quelques bijoux ingénieux, mélangeant la technologie, la spiritualité et le fil de la vie ordinaire. De savoureux moments ont lieu lorsqu’un vieux téléviseur fait la transition entre le passé et le présent, avec beaucoup d’humour, pour toutefois soulever des tensions sociales et des secrets de famille troublants.
Bien que parfois inégal, le jeu des acteurs passe du réalisme au psychotronique. L’actrice Joanie Guérin est particulièrement en feu, et ajoute un aspect baroque, voire un élément de théâtre de variété sur un excès de glucose. C’est du bonbon.
Le public semblait médusé au moment de la tombée du rideau, ne sachant pas trop si c’était terminé. Peut-être faudrait-il le signaler plus clairement dans la mise en scène? Personnellement, j’aime bien que les gens ne sachent pas trop quoi en faire. C’est souvent le cas lors des concerts des orchestres classiques, alors, c’est peut-être bon signe, en termes de propositions artistiques surprenantes, déstabilisantes, hors de l’ordinaire.
On éprouve un certain plaisir à voir le personnage interprété par Charles Bender évoluer dans son rôle d’homme en quête de sens. Plus il a la tête haute, et plus on se libère avec lui. Dave Jenniss, dans le rôle du trickster, est d’une grande présence sur scène dans son rôle de celui qui cause les temps et les contretemps, quelque part entre le chaos et l’ordre cosmique. Marie-Josée Bastien, René Rousseau et Émily Séguin complète la distribution, ajoutant chacun une petite touche de complétude à ce récit complexe et simple.
Bien que certains indices du texte soient demeurés un peu cryptiques, il y a dans cet univers une exploration mythologique qui croise l’ordinaire, ce qui intrigue tout au long, et nous force à construire une réponse à partir de nos références culturelles personnelles.
Un théâtre débrouillard et inventif, qui change de l’ordinaire!
Présentée jusqu’au 29 octobre 2022 à l’Espace Libre. Pour des billets, c’est ici!
Produit par le Nouveau Théâtre Expérimental et les Productions Ondinnok
TEXTE : Louis-Karl Picard-Sioui
MISE EN SCÈNE : Daniel Brière et Dave Jenniss
INTERPRÉTATION : Marie-Josée Bastien, Charles Bender, Joanie Guérin, Dave Jenniss,
René Rousseau et Émily Séguin
CONSEILLER DRAMATURGIQUE : Alexis Martin
ASSISTANCE À LA MISE EN SCÈNE : Marilou Huberdeau
SCÉNOGRAPHIE : Max-Otto Fauteux
ÉCLAIRAGES : Renaud Pettigrew
COSTUMES : Claire Geoffrion
CONCEPTION SONORE : Alexander MacSween
CONCEPTION VIDÉO : Lionel Arnould
MAQUILLAGES ET COIFFURES : Suzanne Trépanier
ACCESSOIRES : Fany Mc Crae
DIRECTION TECHNIQUE : Félix Lefebvre
DIRECTION DE PRODUCTION : Cynthia Bouchard-Gosselin
RÉGIE : Marilou Huberdeau et Hélène Rioux
CONSEILS, RECHERCHES ET SUIVIS EN ÉCORESPONSABILITÉ : Écoscéno – Marianne Lavoie
Crédit de couverture : Marlène Gélineau-Paquette
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