Du soul qui soulève le Festival de Jazz!
©Angéline Gosselin/MatTv.ca
Par : Marie-Claude Lessard
Hier soir, à l’occasion du Festival International de Jazz de Montréal, la Salle Wilfrid-Pelletier de la Place des Arts a reçu, dans le cadre d’un alléchant programme double, deux blondes à la voix puissante n’ayant plus besoin de présentation : l’Américaine Melissa Etheridge et la Britannique Joss Stone . Leurs plus récents albums respectifs qu’elles sont venues présenter comportent une similitude : le mot soul figure dans les deux titres (Water for your soul en 2015 pour Stone et Memphis Rock and Soul en 2016 pour Etheridge). Cela peut paraître anodin, mais ce terme résume parfaitement la soirée. À travers ce genre musical, l’une a déversé authentiquement toute son âme alors que l’autre en a seulement donné l’illusion.
Les jeux d’éclairage modérés et les musiciens, au centre de la scène et non isolés à l’arrière comme il est trop souvent le cas, ont conféré à la salle une séduisante ambiance intime. Lorsque Joss Stone est entrée pieds nus pour prendre place sur un immense tapis devant un pied de micro muni d’un foulard, une spontanée ovation l’a accueillie, transformant l’atmosphère en un spectacle d’une superstar. Il faut dire que la longue robe mauve à motifs et les cheveux bouclés aux mèches rose champagne de la chanteuse lui insufflaient un look digne d’une vedette internationale à la sauce 2017.
Se trouvant face à un public apte à être submergé par une vague soul, Joss Stone a plutôt opté pour ce qu’elle a baptisé des softies, soit des chansons jazz calmes. Or, les petites douceurs manquaient de mordant. La personnalité sympathique de l’interprète en n’était point la cause. Son rire nerveux, ses efforts adorables pour s’exprimer dans la langue de Molière, les pas de danse délicats qu’elle exécutait en faisant virevolter sa tenue charmaient et faisaient sourire, mais ces éléments n’ont pas éclipsé la déception sur le plan vocal.
Certes, Joss Stone possède une voix ahurissante, mais elle a trop abusé de ses capacités. Si les hautes notes ont plu à la foule, force est de constater qu’aucune émotion ne s’en dégageait vraiment. Que ce soit sur les reprises des chansons The look of love and Son of a Preacher Man de Dusty Sprinfield ou sur Harry’s symphony, elle affichait un mode automatique qui ne permettait pas aux spectateurs d’être foudroyés par les paroles écoutées des centaines de fois. Heureusement, ses émotions semblaient plus ressenties sur les titres accrocheurs Super Duper Love et Sensimilla. Ceci dit, en regardant Joss Stone distribuer quelques tournesols par terre en guise de conclusion, le constat était déjà clair : l’injection du traitement jazz au répertoire soul de l’artiste n’est pas encore tout à fait maîtrisée au niveau des émotions, ce qui entraîne une surenchère de prouesses techniques plus ou moins pertinentes.
Tout le contraire s’est produit avec Melissa Etheridge. Puisque sa présente tournée s’articule autour de MEmphis Rock and Soul, album reprenant des titres d’artistes légendaires établis à Memphis, la chanteuse est apparue sur scène portant une cape, faisant ainsi une amusante référence à Elvis Presley. Le défilé de pièces ayant forgé et influencé sa personnalité musicale a débuté avec Hold on, I’m coming de Sam & Dave. Le public était déjà conquis, certains spectateurs n’ont pas regagné leur siège pour le reste de la soirée. Déployant une confiance inébranlable et un plaisir contagieux d’être à Montréal, Melissa Etheridge a laissé ses 30 ans de carrière dicter le ton du spectacle. Elle a livré ce qui la distingue comme musicienne et chanteuse avec toutes les fibres de son corps, sans pour autant crier des notes dans le simple but d’épater la galerie. Etheridge a ressenti toutes les chansons qu’elle a proposées, ce qui a fait que le vécu de la chanteuse guérie d’un cancer du sein depuis 12 ans se rendait droit au cœur.
Lors d’interventions d’une longueur parfaite, elle a expliqué pourquoi elle a décidé de modifier certains textes dont I’m a lover d’Ottis Redding afin qu’ils soient plus collés à l’actualité et à sa personnalité. Elle est parvenue à ne pas dénaturer ces œuvres tout en leur conférant sa touche personnelle. Il faut admettre que Who’s making love, Memphis Train, Respect Yourself et Any other way semblent d’ailleurs avoir été écrites spécialement pour elle.
Évidemment, la rockeuse n’a pas oublié d’offrir ses plus grands succès. I want to come over et Come to my window ont mis en liesse la foule. Idem pour I’m the only one qu’elle a saupoudré d’une enivrante prolongation musicale teintée de guitare électrique. Melissa Etheridge partage une relation privilégiée avec le Québec car il s’agit de la première province qui a montré de l’intérêt à sa musique, et elle en est parfaitement consciente. En guise de remerciement, elle a chanté Bring me some water même si elle ne faisait pas partie de la sélection de la soirée. Le public a reçu ce petit cadeau comme il se doit.
Le Festival de Jazz a été l’hôte d’une autre exclusivité. Lors des rappels, Etheridge a invité Joss Stone pour qu’elles offrent le medley sur Janis Joplin qu’elles avaient fait aux Grammys il y a 12 ans. Leurs voix ont atteint l’apogée sur Piece of my heart. L’extase s’est poursuivie pour la foule lors de la véritable conclusion du spectacle, l’incontournable et poignante chanson d’amour Like the way I do. Le riff de guitare hypnotisant et inoubliable a été allongé d’un solide solo de percussion d’une gracieuseté de Mélissa et son percussionniste. Chanter à plein poumon le refrain d’une chanson emblématique dans une salle presque comble, il n’y a définitivement rien de mieux!
Crédit photo: ©Angéline Gosselin/MatTv.ca
Texte révisé par : Louisa Gaoua