Entretien avec un artiste à part entière
© Photo de courtoisie
Par : Myriam Bercier
MatTv vous présente une nouvelle chronique : On vous présente … En effet, dans les prochaines semaines, nous vous ferons découvrir des artistes underground qui méritent d’être plus connus. Cette chronique se déclinera en trois parties : un aspect descriptif de l’artiste, des questions générales sur sa carrière et un quiz musical rempli par l’artiste. Nous poursuivons pour une deuxième semaine avec Olivier Bélisle.
Olivier Bélisle a une longue feuille de route dans le paysage musical québécois. Il a fait partie notamment de Coyote Bill et est un membre actif de Canailles depuis 2014. Or, c’est avant tout un artiste à part entière. Il est entré dans le monde culturel québécois en sortant son premier album éponyme en 2012 et en participant aux Francouvertes en 2013, une édition qui a vu se produire entre autres Dead Obies, Les Hay Babies et Ludo Pin. Olivier Bélisle est un auteur-compositeur-interprète québécois au timbre doux et berçant. Il offre une combinaison qui peut peut-être sembler surprenante avec sa voix un peu rauque et sa musique douce et envoûtante qui nous berce. Le résultat est un produit fini agréable à l’oreille. Son oeuvre risque de plaire aux gens qui apprécient les groupes de musique atmosphérique comme Karkwa ou Avec pas d’casque, en ce sens où écouter un album d’Olivier Bélisle, c’est entrer dans une atmosphère chaleureuse et réconfortante.
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Il a lancé le 13 mars 2020 son dernier album, Broderie, qui fait suite à ses albums Une fois par jamais paru en 2016 et Olivier Bélisle en 2012. Son dernier album lui a pris quatre ans à produire, mais il atteint la cible, soit dépeindre la beauté artisanale des choses. Sa poésie magnifie le quotidien et lui rend un touchant hommage. Des chansons comme Marie (une histoire d’amour qui a pour décor l’autobus 33 Langelier de Montréal) ou encore Spag (dans laquelle il fait une métaphore sur l’ennui, la détresse et l’amour en parlant du spaghetti de sa copine) le démontrent assez bien. Si certains de ses textes sont teintés d’humour (quitte ou double/crabe ou pas ou encore Gala), ils sont surtout reconnus pour être poétiques et touchants, comme c’est le cas notamment de la chanson Paysage.
J’ai passé un coup de fil à l’artiste pour parler de son parcours musical, son dernier album et Canailles. Voici ce qu’il avait à nous dire :
Myriam : Qu’est-ce qui t’a amené à faire de la musique?
Olivier : Qu’est-ce qui m’a amené à faire de la musique… hippelaye! Attends un peu! En fait, c’est venu un peu tout seul de même. Je veux dire, chez nous ça joue beaucoup de musique, mes frères, mon père, on gratouillait de la guitare pas mal. Je te dirais que je ne suis pas allé en musique tout de suite en partant. Disons qu’on part de la base de la base (rires), je jouais de la flûte à bec quand j’avais 6 ans (rires). Mais non en voulant dire que j’ai toujours eu une attirance pour ça, j’ai joué un peu, mais je suis allé en arts plastiques avant d’aller en musique, finalement j’ai «droppé» l’art plastique pour aller en musique au cégep. Finalement, j’ai jamais fini ça, mais j’ai continué de jouer de la musique pareil (rires).
Myriam : Pourquoi est-ce que tu as lâché au cégep en fait?
Olivier : C’était un peu trop académique. Je suis guitariste aussi à la base, j’ai fait des projets, toutes sortes de projets, je sais pas si tu as entendu parler de Coyote Bill? En tout cas, c’était un projet que j’avais dans le temps, on a fait quelques spectacles avec ça, on a fait quatre fois le [Festival de] Jazz. Dans le temps, on s’est promené un peu, et j’aimais bien ça jouer de la guitare, j’aime ça encore jouer de la guitare. Mais à un moment donné, pour le cégep, je pense que ça devenait trop académique-là. Je ne suis pas… Je ne lis pas à vue là tu sais, je sais pas si tu comprends ce que je veux dire? J’ai tout le temps écrit des chansons depuis que j’étais tout jeune en fait, j’ai essayé des affaires, je me suis mis à «switcher» en français à peu près vers 15, 16 ans, j’écrivais des chansons mais tu sais j’y croyais pas, je ne pensais pas faire des chansons dans la vie. C’est plus en 2012 que j’ai fait les Francouvertes, j’avais quelques chansons que j’avais gossées un peu donc c’est ça. Ça va faire huit ans que je prends ça VRAIMENT au sérieux. (NDLR : Olivier Bélisle a participé à la 17e édition des Francouvertes en 2013)
Myriam : Tu as lancé ton troisième album, Broderie, le 13 mars dernier. Il y est beaucoup question du quotidien un peu magnifié. De quoi t’inspires-tu pour écrire?
Olivier : De quoi je m’inspire… De tout! De tout ce qui m’entoure un peu je te dirais, toutes les situations que tu peux vivre dans une vie, l’amour, la peur, les ami.e.s… En ce moment je te dirais que c’est drôle parce que j’ai réécouté une chanson que j’avais écrite. C’est une amie qui a posté ça hier justement et je me disais «tabarnouche, on dirait que c’est une chanson de confinement *sti!» mais c’est ça (rires). Il y a de la solitude là-dedans, des fois c’est pas pantoute de la solitude, c’est les émotions humaines, les ressentiments humains.
Myriam : Comme je viens de souligner, ton album est sorti le 13 mars, soit une journée avant la fermeture des salles de spectacle. Quels impacts ça a eus sur tes plans entourant l’album?
Olivier : Là on va faire du live là, je sais pas si j’ai le droit d’en parler drette-là (NDLR : l’entrevue a eu lieu le jeudi 9 avril, depuis Olivier Bélisle a annoncé sur sa page Facebook ses dates de live et en a même déjà fait un le 13 avril pour La Fabrique Culturelle), mais je vais avoir quelques prestations de Facebook live et compagnie qui s’en viennent dans les prochains jours. Mais c’est sûr que bon on avait … Les Franco[folies de Montréal] sont annulées… C’est des gros… Je savais pas que ça allait tout fermer d’une shot. Mais tu sais l’album a été super bien reçu, les critiques, c’est vraiment… moi je m’attendais vraiment pas à ça. Donc c’est sûr que dans le numérique, ça continue de fleurir pareil, mais côté réel, physique, aller se promener et tout c’est sûr que tout le monde est un peu dans la schnoutte pour ça. C’est plate un peu, je te dis pas que j’aime pas ça faire des Facebook live mais je fais pas ce métier-là pour ça (rires). Mais tu sais, en temps de confinement, si ça peut apporter un peu de chaleur à tout le monde, tant mieux.
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Myriam : Dans le fond, les Facebook live ça va être pour ton projet solo, pour Canailles ou les deux?
Olivier : Pour mon projet solo, oui oui.
Myriam :Parce que Canailles ça serait difficile de mettre ça en branle j’imagine, faudrait faire ça d’avance, les préenregistrer…
Olivier : Pour Canailles, ouais c’est sûr. Je me concentre pas mal plus sur mon projet solo je te dirais, Canailles on n’a pas de show avant un bout. Daphné [Brissette, chanteuse de Canailles] a parti, je sais pas si tu as entendu parler de Bon Enfant? Il y a quelques personnes qui m’en parlent dans les entrevues, le band est pas fini c’est sûr et certain, mais en même temps il y a quand même huit personnes dans le band, donc tout le monde vaque à ses occupations un peu, et c’est sûr que je peux pas te dire que le band est mort; il est pas mort le band en fait, c’est juste qu’on a pas de gig, le monde fait des choix et en même temps ça fait longtemps, moi je suis rentrée dans ce band-là ça va faire [6] ans, et c’est ça. J’avais le projet [solo] bien avant, je me suis toujours dit de faire mes chansons, je me suis dit je vais prioriser ça un moment donné et là c’est en plein le bon temps.
Myriam : Parlant de Canailles, j’ai une question là-dessus : quand on connaît le style de musical de Canailles, on peut être surpris d’apprendre que tu fais partie du groupe quand on entend ce que tu fais de ton côté. Comment tu expliques ces deux styles assez différents?
Olivier : Comment j’explique ça… Comme je te dis, à la base, je faisais de la guitare. J’ai joué des drums dans un band Batucada brésilien pendant 8 ans. J’ai fait toutes sortes de musique. Coyote Bill, c’est du funk complètement… de la musique de weirdo un peu je te dirais… Canailles, j’aime ça aussi la musique festive comme on dit (rires). J’ai tout le temps bien aimé ça, je viens de là un peu: une guitare sèche, gratter et ça y va par là, c’est le fun au bout. Mais comme je te dis, j’ai tout le temps fait mes compositions. Le premier album que j’ai sorti c’était en 2012, de mes affaires, c’est un mélange de chansons folk, mixées avec du genre de rock, c’était bien éclectique. Après ça le deuxième j’ai fait ça c’était plus encore folk, parce que quand je retourne chez nous, je ne pense pas à faire une chanson pour faire lever les foules mettons.
Myriam :Est-ce que le processus créatif est différent avec Canailles versus tes projets solos?
Olivier : Oui, pas mal en fait parce que tu sais Canailles, tout le monde apportait des chansons. Moi j’ai joué sur le dernier album en fait, les deux autres avant c’était pas moi qui était dans le band, c’était [Daniel] Tremblay, qui est parti en Louisiane vivre avec sa famille. Lui il a fait les deux premiers albums. (NDLR : Jean-Philippe Tremblay aussi faisait partie du band avant et a quitté au moment où Olivier Bélisle a fait son entrée dans le groupe) Moi je suis arrivé un peu pour le troisième album, j’ai composé quelques riffs de banjo, des riffs de guitare aussi plus, parce qu’à la base, du banjo, j’en jouais pas, j’ai pogné la gig et j’ai appris à jouer un peu du banjo je te dirais. En même temps, je ne me considère pas banjoïste, mais bon c’est une autre affaire! Mais c’est très différent, c’est sûr, là c’est huit têtes, pour mon projet, c’est une tête. Je joue avec des gars dans mon projet; on est un trio à la base dans le fond, on vend le spectacle un peu de même, avec [Benoît] Paradis (NDLR : du groupe Benoît Paradis Trio, un groupe jazz) qui fait des drums, des percussions et des cuivres et Hugo [Chaput] à la basse. Déjà là, moi j’arrive, la chanson est faite. Je sais pas comment le dire, mais j’ai pensé des fois à des thèmes musicaux, des affaires, je leur chante ça et ils mettent leur sauce, c’est sûr et certain, mais c’est beaucoup moins impliquant que Canailles mettons pour les autres membres je parle.
Myriam : Ok, la dernière question, c’est comme une question bonus. Il faut que tu comprennes que cette question-là me vient d’un d’un podcast de Jason Bajada fait qui disait que les journalistes culturels posent souvent des questions ordinaires aux musiciens. Donc là je vous laisse le choix de vous poser une question à vous-mêmes et d’y répondre. Donc, est-ce qu’il y a une question que tu aimerais te faire poser une question en entrevue, mais tu dois y répondre?
J’ai un peu pris Olivier Bélisle par surprise avec cette question. Je lui ai donc envoyé par courriel avec le quiz musical afin qu’il y réfléchisse. Il m’a répondu ceci:
Qu’est ce que j’aime faire griller?
De la pieuvre!
Quiz musical réalisé par l’artiste :
1. Ton lecteur de musique plante sur une île déserte, tu peux seulement écouter une chanson, c’est laquelle? Jungle lullaby – C.W Stoneking
2. Ta chanson de rupture préférée? Va-t’en pas – Richard Desjardins
3. Ta chanson d’amour préférée ? Boire manger dormir – Avec pas d’casque
4. Un.e artiste que tu aimerais que les gens connaissent davantage ? Half Dogz
5. Si tu pouvais écouter un seul album pour l’année à venir, ce serait lequel? Gumbo de Dr. John
6. La chanson qui te rend le plus heureux ? Skokiaan – Louis Armstrong
7. Un.e artiste / groupe qui t’inspire beaucoup ? Bob Dylan
8. La chanson qui t’obsède en ce moment? Solace – Myriam Gendron
9. Une chanson que tu aimerais avoir écrite? L’échec du matériel – Daniel Bélanger
10. Ta chanson (à toi) préférée? Coleslaw, de son album Broderie.
La semaine prochaine, nous découvrirons David Bujold, membre du groupe Fuudge.