Des promesses déchirantes mais tenues
Par : Marie-Claude Lessard
En 2014, dans le cadre d’un échange entre le Québec et l’Écosse, le dramaturge Douglas Maxwell a assisté à une lecture publique de sa pièce Une veuve respectable s’initie à la vulgarité dans laquelle jouait la comédienne Micheline Bernard. Maxwell eut un véritable coup de foudre pour l’actrice personnifiant Jocelyne dans la défunte série jeunesse Radio Enfer, tellement qu’il lui soumit son monologue Des promesses, des promesses, convaincu qu’elle possède ce qu’il faut pour interpréter le complexe rôle de Miss Brodie. 2 ans plus tard, le projet prend enfin forme, et force est de constater qu’il avait vu infiniment juste…
La pièce se déroule à Londres. Maggie Brodie, une enseignante sortant pour une deuxième fois de sa retraite, a accepté un poste de suppléance dans une école primaire. Elle se voit confier la charge de Rosie, une petite Somalienne faisant du mutisme sélectif. Des gens entrent dans la classe et tentent d’exorciser Rosie de ses démons. Trouvant la pratique totalement inacceptable, Maggie se réfugie avec Rosie dans les toilettes. Maggie raconte cette cruelle histoire et son dénouement tout en dévoilant sans censure ses parts d’ombre et de lumière.
Des promesses, des promesses mêle savamment une trame narrative puissante (l’histoire de Rosie) et un saisissant portrait de femme. À la fois drôle, vulgaire et distinguée, Maggie Brodie enfouie les déchirures de son passé sous ses langoureux mouvements de hanche. Son talent de séductrice étant son arme la plus efficace, celle qui affiche un penchant inquiétant pour la bouteille se confie sans filtre au public. Elle n’a pas peur de le dérouter, même de le décevoir. Dans ce rôle extrêmement fascinant, Micheline Bernard, qui livre ici son premier monologue théâtral en carrière, éblouit de mille feux. Totalement investie, elle demeure constamment dans un état de vérité absolue. Une performance marquante dans un texte déstabilisant habilement traduit par Maryse Warda et mis en scène sobrement par Denis Bernard.
Devant faire face à une oeuvre illustrant réalistement une histoire injuste et inspirée d’un fait vécu, les spectateurs ressentent une profonde frustration pendant 90 minutes. Pas envers la pièce elle-même, mais le sujet. Comment peut-on poser un tel geste envers une jeune fille innocente? Pourquoi ce geste est accepté dans une école de Londres? Au-delà de ça, la pièce constitue en un hommage touchant à tous les enseignants qui se dévouent corps et âme à transmettre leur savoir et tenir leurs promesses d’apparence superficielle qui signifient tout l’or du monde pour les adultes de demain.
Des promesses, des promesses est à l’affiche jusqu’au 19 septembre à La Licorne.
©Suzane O’Neill
Texte révisé par : Matthy Laroche