Un film tristement nécessaire
©Martial Genest/MatTv.ca
Par : Marie-Claude Lessard
Il y avait de la fierté et de la fébrilité dans l’air hier soir au Théâtre Maisonneuve à l’occasion de la grande première montréalaise de 1:54, le premier long-métrage réalisé par le comédien Yan England. En plus de figures politiques d’envergure comme Pauline Marois, un bon nombre des personnalités préférées des adolescents telles que Sarah-Jeanne Labrosse et Alice Morel-Michaud ont pris d’assaut le tapis rouge tout sourires. Généreuses, les têtes d’affiche Antoine Olivier Pilon, Lou-Pascal Tremblay et Sophie Nélisse ont signé des autographes à leurs fans en plus de s’adonner à quelques séances d’égoportraits.
1:54 relate l’histoire de Tim (Antoine Olivier Pilon), un coureur en cinquième secondaire très brillant qui est victime d’intimidation depuis des années par Jeff Roy (Lou-Pascal Tremblay) et sa bande. Il essaie de mettre tout cela derrière lui en s’inscrivant au club d’athlétisme Les Coriaces. Aidé par son coach (Patrice Godin) et la belle Jennifer (Sophie Nélisse), Tim s’entraîne sans relâche pour vaincre le roi incontesté de la piste de course, qui n’est nul autre que Jeff. Pour insuffler du réalisme à l’oeuvre, le tournage s’est déroulé dans une véritable école secondaire, soit l’école secondaire Jacques-Rousseau, à Longueuil. Si Sophie Nélisse a trouvé stimulant de jouer entourée d’élèves, Antoine Olivier Pilon, en revanche, a considéré l’expérience quelque peu angoissante, surtout lors des premiers jours de travail. Il a même hésité avant d’accepter le rôle, sauf qu’il était si content d’incarner un personnage aux antipodes de celui qu’il campait dans Mommy qu’il n’a pu refuser la demande de Yan England (au plus grand plaisir des spectateurs, d’ailleurs, car sa performance est renversante).
Le film aborde sans complaisance des thèmes délicats auxquels la plupart des adolescents peuvent hélas s’identifier. « Je voulais faire vivre des émotions aux gens qui vont voir le film. Oui, l’intimidation, c’est vrai. Oui, c’est présent dans les écoles. C’est présent partout, mais je ne voulais pas être moralisateur. Je ne donne pas de réponses. Je laisse les gens, suite à ça, choisir leurs sentiments et voir comment ils vont vivre avec cela. Par la suite, ça va me faire plaisir de discuter avec eux. », a soutenu Yan England, fier, après quatre années de dur labeur, d’enfin dévoiler son bébé à tout le monde. «Ce n’est pas un film moralisateur. On n’essaie pas de pointer du doigt. On ne dénonce rien. On veut juste faire ressentir des émotions aux gens pis essayer de les sensibiliser. J’ai vécu de l’intimidation au primaire, et j’ai intimidé du monde au secondaire. J’ai comme été dans les deux côtés de la médaille. Inconsciemment, je l’ai fait (intimider). On me l’a fait pis on dirait que j’ai eu la mauvaise habitude de le faire aux autres par la suite. C’est une des raisons pourquoi, quand j’ai l’opportunité de parler de sujets comme ça, j’aime ça le faire pour, justement, sensibiliser les gens. », a renchéri Antoine-Olivier Pilon.
Héritant du rôle ingrat de l’intimidateur, Lou-Pascal Tremblay n’a pas peur des réactions haineuses que son personnage risque fort probablement de susciter auprès du public. « J’ai envie de me faire détester dans ce film-là! Je pense que ça me dénaturalise de mon casting habituel. C’est important pour moi de montrer au monde que j’étais capable de faire autre chose que le charmeur et le gars cute. Là, je suis un trou de cul, et je l’assume complètement. »
Jouissant d’un scénario brutalement honnête, d’une réalisation dynamique et de prestations ahurissantes, 1:54 n’est rien de moins qu’une oeuvre poignante, percutante et oppressante qui marque les esprits pendant des jours. Il n’est donc pas étonnant que Yan England et Antoine Olivier Pilon aient reçu un chaleureuse ovation à la fin de la projection. En espérant que tous les adolescents du Québec se déplaceront au cinéma en masse dès le 14 octobre.
Texte révisé par: Marie-Eve Brisebois
Crédit photo : Martial Genest/MatTv.ca