Une cage dorée, chaleureuse, mais lisse
Par : Marie-Claude Lessard
Avec plus de 75 000 billets vendus à travers la province, Velours de Katherine Levac est évidemment immensément attendu. Ce sentiment peut facilement engendrer de la déception, et c’est exactement ce qui s’est produit lors de la première médiatique présentée au Théâtre Maisonneuve de la Place des Arts, mercredi soir dernier.
Bien des collègues de la communauté artistique ont coché présent à ce rendez-vous doux de 75 minutes sans intermission au cours duquel la jeune humoriste de SNL Québec et de Like-moi! a raconté avec candeur et sarcasme son quotidien dénué d’obstacles majeurs. Même si les spectateurs ont affiché un enthousiasme certain, force est de constater que ce velours rugueux a soulevé davantage de sourires timides que l’hilarité générale.
Impossible de blâmer l’indéniable magnétisme scénique de Katherine Levac. Malgré une nervosité évidente et compréhensible, elle a brûlé les planches, connectant d’emblée avec son public. L’apport de la comédienne Sonia Cordeau à la mise en scène a permis à Levac de parfaire son jeu d’actrice et de peaufiner l’impact dramatique de ses expressions faciales et vocales, créant ainsi des réactions plus marquées et claires.
Dans l’attitude désinvolte de l’humoriste, on perçoit d’ailleurs avec bonheur et équilibre la personnalité délicieusement déjantée de ce membre des Appendices. L’exemple le plus probant s’avère l’hommage chanté dédié aux femmes de 64 ans aux cheveux roux mauve qui se démarque du sobre style stand-up par sa fraîcheur, son côté parfaitement irrévérencieux … et sa savoureuse excursion nostalgique dans l’univers de Kelly Clarkson!
Ce premier one woman show pourrait se résumer comme suit : l’éloge des gens heureux qui n’ont pas d’histoire. D’où le titre Velours. Consciente que sa vie regorge de privilèges, Katherine Levac, grâce à son regard unique de Franco-Ontarienne ayant longtemps très peu trouvé d’affinités avec le mode de vie des Montréalais, critique avec justesse, lucidité et tendresse la génération Y à laquelle elle appartient. Les relations amoureuses houleuses et les questionnements existentiels volontairement compliqués passent efficacement dans le tordeur. Par contre, les blagues, vautrées dans un cheminement narratif souvent confus et inutilement complexe, ne percutent pas suffisamment, car le ton absurde n’est pas totalement assumé et exploré à son plein potentiel.
Pour parvenir à ses fins, Levac a choisi de relater des moments ordinaires ayant ponctué son existence comme la dure réalité de la vie de fermière, les longs après-midis à regarder ses frères jouer au hockey dans les arénas et son opinion tranchante sur les enseignantes au primaire. L’idée est loin d’être mauvaise en soi, mais les anecdotes proposées ont déjà été remâchées maintes fois dans des numéros de gala devenus viraux sur Internet. L’effet de surprise s’est donc évaporé, laissant toute la place à l’amère impression de rester sur notre faim.
Heureusement, certaines irrésistibles trouvailles se glissent dans le spectacle dont la manière originale d’aborder la désormais légendaire Paidge Beaulieu. Et ça, ça fait réellement un petit velours.
Crédit photo : © François Daoust/MatTv.ca
Texte révisé par : Johanne Mathieu