Ouverture magnifique pour le Festival MNM
Par : Annie Dubé
Imaginez un concert avec un orchestre qui donne son élan à une musique traditionnelle bretonne et des chants de gorge inuit. Vous n’avez pas trop de références, n’est-ce pas? Eh bien, lors du spectacle-rencontre Voix du nord : Nunavik — Bretagne, en ouverture de la 11e édition du Festival Montréal/Nouvelles musiques, c’est ce qu’a pu apprécier le public à la Salle Pierre-Mercure. Et croyez-moi, c’était quelque chose.
Qu’ont ces deux cultures en commun, qui puisse les lier, sans toutefois effacer leurs profondes distinctions? Les deux duos de voix chantaient chacun à leur façon, s’unissant à l’aide de codes quasi-opposés, et se rejoignant en toute beauté lors cette rencontre improbable qui coule de source.
Car c’est bien de liens à la nature dont il s’agit pour ces deux cultures qui renaissent, après avoir frôlé la disparition de leurs langues et de leurs traditions. Deux sociétés distinctes et vastes, qui se sont toujours ancrées dans le réel de leur environnement naturel; une nature indissociable de leurs identités. Volupté orchestrale, sons d’animaux, voix humaines : tout ce qui est vivant s’entremêlait de la plus harmonieusement dans sa dissonance, et nous animait intérieurement de pulsions intangibles pleines de vie.
Une rencontre musicale, universelle et locale
Avec une série de chansons qui semblent vivantes tellement on sent qu’elles sont animées par l’envie de jouer, ce beau fouillis était une pierre précieuse cachée dans la Ville. L’hybridité entre des rythmes nordiques d’ici, qui dansent avec les voix plus lyriques du nord de la Bretagne : jamais un DJ n’aurait pu mettre en scène aussi joliment cette étrange sororité entre fierté culturelle et accueil de l’autre.
On lève notre chapeau à l’Ensemble Obiora et à l’Ensemble de la SMCQ, qui ont su ficeler efficacement cet univers musical nouveau.
La richesse de cette collaboration entre les deux nations pouvait se sentir dans la salle, et la joie de cet événement heureux se lisait particulièrement sur l’inimitable sourire de la Bretonne Marthe Vassallo, bien que chacune des chanteuses (Lydia Etok, Nina Segalowitz, Nolùen Le Buhé) a su nous toucher à sa façon. Vraiment, c’était une communion culturelle qui faisait grand bien à l’âme, et qui donnait tout son sens aux thèmes du festival : la musique et la spiritualité.
La discussion qui s’est ensuite déroulée devant le public, avec les principaux artistes et responsables de cette œuvre unique, était instructive et pleine d’authenticité. Ça valait la peine de rester.
À noter que la magnifique Symphonie minute (1994) composée par José Evangelista, qui est décédé récemment, a été interprétée par les musiciens avant le numéro principal, à la mémoire de ce dernier. C’était d’une finesse ludique à emporter les esprits les plus lourds vers le ciel! Un beau moment original et surprenant pour les tympans.
Jusqu’au 5 mars, MNM 2023 c’est l’occasion de découvrir 70 œuvres musicales incluant une vingtaine de créations. Créées par une soixantaine de compositeurs, ces œuvres sont interprétées par près de 400 musiciens, musiciennes et autres artistes dans 17 concerts. Pour accéder à la programmation complète, visitez le site Web du MNM.
Katia Makdissi-Warren, compositrice
Lydia Etok, chant de gorge
Nina Segalowitz, chant de gorge
Marthe Vassallo, chant breton
Nolùen Le Buhé, chant breton
Ensemble Obiora, section des cordes
Ensemble de la SMCQ
Cristian Gort, chef
Crédit d’image de couverture : Jérôme Bertrand
Vous pourriez être intéressé par ces articles
Riopelle symphonique : aux limites des possibles
Je t’écris au milieu d’un bel orage : quand le tonnerre frappe les cœurs
Chantons Noël avec Rafael Payare : le public au cœur de l’OSM