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Vol au-dessus d’un nid de coucou : Une gang de malades?

Autopsie d’une société souffrante

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Par : Marie-Claude Lessard

D’abord un roman de Ken Kesey paru en 1962, puis une pièce de théâtre de Dale Wasserman montée un an plus tard et finalement un long-métrage culte de Milos Forman, lauréat de l’Oscar du meilleur film en 1976, Vol au-dessus d’un nid de coucou, avec ses troublantes observations sur une société obsédée par la catégorisation de ses habitants, continue d’être une oeuvre marquante et pertinente encore aujourd’hui. C’est ce que la relecture de cette création par le Théâtre du Rideau Vert nous permet de constater, bien qu’elle s’avère imparfaite et légèrement décevante.

En pleine époque où la lobotomie et les électrochocs constituent la solution pour enrayer les maux d’ordre psychologique, l’escroc Randall McMurphy (Mathieu Quesnel) feint la folie afin d’éviter la prison, pensant naïvement qu’il ne finira pas comme ses nouveaux locataires. Celui qui adore défier l’autorité se retrouve donc dans l’aile psychiatrique d’un hôpital contrôlé d’une main de fer par Mme Ratched (Julie Le Breton),  une garde d’une douce beauté terriblement trompeuse.

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Fenêtres barricadées. Uniformes d’un blanc immaculé. Murs délabrés faits de béton et de céramique bleu pastel. Pas de doute, le décor signé Olivier Landreville nous plonge instantanément dans un centre de santé des années 60 en cruel manque de ressources. Il crée à lui seul un climat inquiétant et oppressant. Malheureusement, les changements apportés au texte par Michel Monty, qui propose (volontairement?) une mise en scène froide et sans éclat, ne maintiennent pas les tensions conflictuelles entre les intervenants et les patients.

L’oeuvre de Kesey soulève de nombreuses interrogations sur le sens véritable du mot « malade ». Et si c’est la société, avec sa volonté malsaine de conformisme, qui rend les êtres psychologiquement instables? À trop vouloir restreindre la liberté, est-ce que ce sont les médecins et les gardes qui causent les troubles? Cette dualité, palpable dans toutes les répliques de la pièce, ne se reflète pas dans l’énergie de la plupart des comédiens. Il faut dire que les ruptures de ton et de langage ne les aident pas à demeurer investis et font tomber à plat des scènes pivots comme le party interdit et la finale.

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Ceci dit, certains parviennent à se démarquer positivement. Maîtrisant le bégaiement, Renaud Lacelle-Bourdon ne laisse pas cette caractéristique venir faire obstacle à son jeu et aux intentions émotives qu’il doit délivrer. Il campe avec crédibilité l’impossible quête d’émancipation de Billy, ce personnage injustement prisonnier par la peur du monde extérieur alimentée par sa mère et les interventions faussement maternelles de Ratched. De son côté, Stéphane Demers incarne à la perfection les gestes maniérés de cet attachant Harding aux prises avec des questionnements sur son orientation sexuelle. Dans le rôle du Chef Bromden, Jacques Newashish offre une interprétation touchante, spécialement lorsqu’il livre des chants autochtones.

Mathieu Quesnel traduit le dynamisme et la fougue de McMurphy en courant d’un bout à l’autre de la scène, en parlant et en riant fort, mais l’émotion n’y est pas. On ne voit que du cabotinage. Julie Le Breton insuffle à sa garde un instinct protecteur qui ne colle pas à l’image aveuglément stricte du personnage. Cette infirmière agit aussi méchamment en pensant véritablement poser les bonnes décisions pour le bien-être de ses patients.

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Intérieurement, elle n’est pas aussi cruelle, mais les spectateurs ne peuvent en aucun cas percevoir cette humanité à travers la façade rigide, sans quoi la relation de pouvoir entre McMurphy et Ratched ne fonctionne pas, et c’est exactement le cas ici. Grande et sublime actrice, Le Breton rend efficacement les pertes de contrôle et la peur. Seulement, il ne fallait pas que ce personnage les laisse paraître. Elle doit plutôt uniquement dévoiler une retenue dissimulant une rage sur le point d’exploser qui donne froid dans le dos.

Vol au-dessus d’un nid de coucou est à l’affiche au Théâtre du Rideau Vert jusqu’au 23 avril 2017.

Texte révisé par : Annie Simard