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Coups de coeur de la TOHU

Les Olympiques du cirque

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© Gabriel Talbot/MatTv.ca

Par : Maxime D.-Pomerleau

Depuis deux semaines les athlètes (et artistes) des Olympiques vous inspirent par leurs performances à couper le souffle? Restez dans la fièvre avec les Coups de cœur de la TOHU! Depuis trois ans l’organisme offre une vitrine incomparable pour découvrir les meilleurs artistes (et athlètes) du cirque contemporain mondial. Avec une mise en scène de Fernand Rainville plus englobante que sa première édition, l’événement met un fort accent sur les compagnies québécoises. L’animation est assurée par le fondateur des 7 doigts Sébastien Soldevila, comique et complice avec la foule. Soutenu par le sympathique DJ Guillaume Biron et ses ambiances psychotroniques, le duo formait une solide équipe à l’oeuvre entre les numéros.

En ouverture, la grâce et la force de Mizuki Shinagawa aux tissus aériens. L’étudiante à l’École nationale de cirque a offert l’un des meilleurs numéros de la soirée, avec une chorégraphie en finesse rappelant beaucoup la gymnastique rythmique avec ruban. Jouant avec les tensions et relâchements du tissu, c’est surtout le chemin pour se rendre aux figures qui épate par l’originalité, que les contorsions elles-mêmes. La Japonaise s’exécutait sur des percussions un peu tribales, qui marquaient le tempo de l’interprétation, au sol comme dans les airs. Pour la deuxième semaine, c’est l’étudiant américain Brin Schoellkopf qu’on verra au fil de fer, lui qui s’était illustré à Montréal complètement cirque en 2016.

On a enchaîné avec la discipline du trapèze fixe et le couple formé de Tyne Nielsen et Mary Wolfe, deux Américains plongeurs de falaise dans une autre vie. Bien que le tout manquait de fluidité dans les changements de positions, le public était hypnotisé par les muscles abdominaux des deux protagonistes. Duo Transcend s’illustre surtout dans la lenteur des gestes de suspension, bien que les figures restent assez conventionnelles pour ce type de numéro.

Le Québécois Jonathan Morin a ensuite conquis la scène avec un appareil qu’il a conçu en 2005 : la roue croisée. Elle est composée de deux roues Cyr en métal, jointes au centre, créant l’illusion d’une sphère lorsqu’en mouvement. Il est plutôt difficile de réinventer les figures au sol sur des appareils comme la roue Cyr et la roue allemande, mais ce qui est franchement intéressant avec celui mis au point par Morin est la possibilité de changer d’axe, tout en maintenant la vitesse de rotation. On a pu le voir faire le pont inversé, chose qui serait impossible sur la roue Cyr, car l’acrobate est en complète extension. Dans sa finale, il incarnait à merveille l’Homme de Vitruve de Léonard de Vinci. À 40 ans, il vient tout juste de gagner la médaille de bronze au prestigieux Festival de Monte-Carlo.

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© Gabriel Talbot/MatTv.ca

L’une des stars de la soirée était Hugo Ouellet-Côté, de la compagnie Flip Fabrique, l’une des plus prolifiques au Québec. Voulant introduire la technologie dans un numéro de sangles acrobatiques, il s’est servi d’un téléphone cellulaire pour Skyper en même temps qu’il exécutait son numéro. Cela donnait des résultats assez intéressants notamment lors de rotations rapides, qui donnaient une autre dimension à sa performance, projetée en arrière-plan. Malheureusement, l’application a gelé en cours de route, et il fallut redonner toute notre attention à Hugo (ah zut!) pour le reste du numéro, réalisé sur la pièce 21 Gun Salute de Half Moon Run. Ouellet-Côté qui est d’ailleurs revenu dans un numéro de clown plus loin dans le spectacle, une intervention réussie dans la salle, mais qui est devenue tiède une fois sur scène.

Julius et César, fiers représentants de l’Allemagne et la France travaillant pour le Cirque Eloize, ont attendri la salle avec ce segment de main à main dynamique, dans une mise en scène poétique qui flirtait avec les arts clownesques et la danse contemporaine. Ce duo nous rappelait Laurel et Hardy, avec leur différence notoire de taille, la complicité et la vulnérabilité des deux hommes. Julius (le porteur) et César (le voltigeur) couvrent toute la piste et s’amusent dans ce numéro franchement réussi où sauts, courses, étreintes et chutes font écho aux aléas de la vie, aux travers desquels on passe grâce à la présence d’un ami. Une bromance comme on les aime!

Marie-Ève Bisson, acrobate du Cirque du Soleil et compagne de Jonathan Morin, a pris le relais avec un court numéro de cerceau aérien. Avec son costume flamboyant et son lien fort avec le public, elle a présenté un numéro impeccable dans l’exécution, mais loin d’être enlevant. Figures classiques, déroulement sans surprise, les attentes créées par le maître de cérémonie Sébastien Soldevila étaient élevées et n’ont pas été atteintes. Nicole Heaslewood a fait un retour aux origines de l’humanité avec son outil principal : le feu. Avec un hula-hoop ayant trois torches allumées, la Britannique a exécuté une danse fluide, presque lascive, faisant passer le hula-hoop sur tout son corps : sur son épaule, son front, faisant passer le feu très près de ses yeux. C’était une prestation envoûtante sous le ciel étoilé de la TOHU.

Difficile de rester de glace devant les exploits réalisés par les contorsionnistes Erdenesuvd et Buyankhishig Ganbaatar de Mongolie. Les deux sœurs sont spécialistes du backend, cette figure où l’on plie le dos à l’envers jusqu’à renvoyer ses pieds par-dessus tête (bien… tout dépendant de la position de départ!) et nous en ont mis plein les yeux! S’inscrivant dans la lignée des prouesses présentées par le Cirque du Soleil, leurs costumes scintillants et texturés agissaient comme trompe-l’oeil, et l’on croyait voir des insectes géants parader, ne sachant plus quel bout était la tête! Une parfaite rencontre entre le bizarre et l’intrigant, qui impressionne par la virtuosité des acrobates.

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© Gabriel Talbot/MatTv.ca

La dernière discipline présentée était celle de la roue Cyr qui, encore une fois, s’offrait sous une nouvelle forme. D’abord visuellement elle était le symbole du capteur de rêve amérindien, et son utilisation dépassait également sa fonction première. Si les arts du cirque regroupent plusieurs disciplines comme le sport, la danse et le théâtre, on fait peu de cas des arts visuels. Matthew Richardson, ancien soliste dans le spectacle Varekai, a créé une peinture tout à fait fascinante pour clore son numéro. Il a d’abord étendu de la peinture blanche sur une toile noire posée au sol, avant de se lancer de la poudre bleue et rouge sur le corps et de faire tourner sa roue sur la toile. La roue Cyr, dans ses chemins circulaires, traçait non pas un spirographe mais un capteur de rêve. La toile a ensuite été hissée derrière l’artiste, dévoilant le tableau final, lui qui se trouvait dans la roue à ce moment. Une idée fort originale qu’il serait intéressant de tester avec d’autres matériaux ou sur une plus grande surface, telle que la piste de la TOHU.

La finale a ramené tous les artistes sur scène, où Hugo Ouellet-Côté a exécuté quelques passages au-dessus de ceux-ci, attaché à ses sangles. Les Mongoles ont une fois de plus ébahi la foule avec un backend et un tir à l’arc par les pieds, dans une cible géante en forme de cœur! Quelques pas de danse et le spectacle était déjà terminé. La sélection des Coups de cœur était somme toute traditionnelle dans le style contemporain valorisé, mettant en lumière l’exécution des prouesses davantage que l’ingéniosité des acrobates. Force est d’admettre que les numéros présentés ne sont qu’une infime partie de la richesse du cirque québécois et mondial. Comme en témoignait la soirée de lancement, où le tiers de la foule n’avait jamais mis les pieds à la TOHU, les Coups de cœur sont souvent un premier contact avec cet univers magique. On peut se faire éblouir à la Cité des arts du cirque jusqu’au 3 mars. La représentation du 1er mars est suivie d’une rencontre avec le public.

#CCTOHU

Crédit photo :  Gabriel Talbot/MatTv.ca

Texte révisé par : Annie Simard