Un après-midi céleste

Par Lucia Cassagnet
Ce dimanche, l’Orchestre Philharmonique et le Choeur des Mélomanes (OPCM) offrait un programme exceptionnel de Holst et Jenkins à la Maison symphonique, sous la direction de Francis Choinière.
L’après-midi a commencé avec Gustave Holst et son oeuvre Les planètes.
Cette pièce, composée en pleine période de la Grande Guerre, est constituée de sept mouvements qui correspondent chacun à une planète de notre système solaire.
Chaque morceau est unique et représente une planète sous une forme personnifiée, apportaint ainsi un ensemble d’émotions complexes à l’oeuvre.
Peut-être car elle a été composée en 1914 et que la Première Guerre Mondiale commençait à peine, cette oeuvre débute avec le mouvement intitulé Mars, celui qui apporte la guerre. Effectivement, on entend la guerre dans cette première rencontre. Des sonorités fortes, aux contrastes marqués entre les moments de repos et les points culminants des crescendos, Mars est définitivement une planète en guerre.
On peut même se sentir un peu comme si c’était Star Wars (bien que le film est sorti beaucoup plus tard !).
S’enchaîne Vénus, celle qui apporte la paix, dans un revirement musical considérable. On passe aux sons doux, qui flottent dans l’espace, voltigeant dans une gravité cosmique qui nous rappelle les petites aigrettes des pissenlits qui se promènent insouciantes dans l’air.
On continue avec Mercure, le message ailé où on remonte dans les sonorités. On n’est plus dans l’ambiance du deuxième mouvement. On recommence à se déplacer entre les planètes pour aller retrouver le prochain. C’est alors que Jupiter, celui qui apporte la gaiété rentre en jeu, amenant avec lui toute son énergie ! On trouve facilement la joie et les rebondissements, les soubresauts dans l’espace, ce terrain de jeu infini et sans limites.

Dans cet état d’esprit de bonheur, on se rend compte que le temps passe, et arrive alors Saturne, celui qui apporte la vieillesse. Cette vieillesse, c’est le temps qui coule – autant sur la terre que dans l’espace. C’est le courant de la vie qui nous amène malgré nous à travers les étapes, les années, les décennies. On a beau essayer de s’accrocher à quelque chose mais il est trop fort et nous emporte tout de même.
Ces émotions on les remarque dans la musique, dans les agancements qui se répètent, doucement au début, presque sans s’en rendre compte, et que, hop, on reconnaît un son et puis un autre, et encore un autre. On sent une lourdeur qui s’ajoute à chaque nouvelle répétition, comme si elle était remplie de savoirs et de sagesse.
L’ajout de cloches nous ramène inévitablement aux horloges de la vie qui sonnent, qui ne pardonnent pas et n’offrent aucun moment de répit pour les gens qui voudraient oublier momentanément qu’on vieillit.
À cela s’enchaînent deux numéros, Uranus, le magicien et Neptune, le mystique, qui sont représentés par la fantaisie pure à travers les instruments. C’est la magie, le dépassement des limites et des expectatives. On ne sait pas à quoi s’attendre, quel agancement suivra ? Et dans un tour de magie inattendu, on entend alors descendre de l’étage plus haut des voix célestes. Elles se mélangent aux violons au début, on se regarde dans la salle en se disant, wow, je savais pas que les violons pouvaient sonner comme ça. C’est une illusion, comme n’importe quel magicien vous dirait avec un clin d’oeil.
En réalité, c’est la voix des choristes du Choeur des Mélomanes qui est enfin dévoilée, cachée, touchant presque le plafond de la salle.
La juxtaposition des femmes du Choeur aux musiciens de l’Orchestre Philharmonique nous donne finalement cette qualité extraterrestriale qu’on recherche dans cette oeuvre.

Après une brève entracte, on est prêts pour Gloria de Karl Jenkins.
Cette pièce du compositeur gaullois est puissante en émotions. Avec des partitions pour le choeur qui nous rappellent les pièces davantage religieuses, on retrouve un peu du gravitas que le genre impose. La répétition de voyelles, qui flottent dans l’air et ne sont pas restraintes comme les consonnes, fait le pont avec l’énergie cosmique de la première moitié et la spiritualité d’une oeuvre dont les mouvements sont forts en symbolique religieuse. En effet, lorsqu’on regarde le nom des mouvements, on retrouve La proclamation, La prière, Le Psaume ou encore L’exultation.
Le Choeur de Mélomanes, qui remplit la section en haut de la Maison symphonique, remplit aussi la pièce avec leurs voix fortes et unies. Sous la direction silencieuse et précise de Francis Choinière, ces chanteurs et chanteuses s’harmonisent parfaitement avec l’Orchestre Philharmonique pour délivrer une deuxième oeuvre impressionante.
Au final, le voyage à travers l’espace vient à sa fin et on se retrouve de nouveau sur la planète Terre, à la Place des arts de Montréal.
Pour consulter le prochain concert de l’OPCM, c’est ici.
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