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Par Maxime D.-Pomerleau
On va se dire les vraies affaires.
S’offrir la basilique de l’Oratoire St-Joseph comme salle de spectacle, c’est se payer un trip de créateurs. C’est ce qu’a fait la chanteuse Brigitte M hier soir, aidée par le metteur en scène Denis Bouchard, avec son ambitieux spectacle From Metal To Crystal, qui combine hits du métal et musique classique.
Malheureusement, avec la grande coupole vient aussi un espace qui, s’il convient aux oreilles fines, est difficile à meubler, d’autant plus que l’Oratoire, édifice à l’intérieur géométrique et plastique, manque de relief stimulant pour les yeux. On remarque un manque d’utilisation de l’espace, en hauteur et en longueur, alors que la largeur est totalement comblée par les musiciens et la scénographie. Le lustre massif au-dessus de la scène n’a pas été utilisé et il y aurait pourtant eu moyen de l’intégrer à l’ensemble du spectacle.
La mise en scène qui jouait sur les symboles associés au lieu et à la musique se sont avérés être plus clichés qu’autre chose. La robe-tente qui s’ouvre en deux ailes d’ange, on présume, et libère la magnifique Brigitte M, n’est plus sollicitée après la troisième chanson. Pauvre quatuor à cordes qui devait suer là-dessous…
L’ange se change en papillon pendant Behind Blue Eyes (The Who ou Limp Bizkit, au choix), habile transition vers l’utilisation des ailes comme écran de projections. Si l’éclairage de la première partie du spectacle nous a offert de superbes tableaux, variés et mettant en valeur les arches et les fresques à l’arrière de la nef, la deuxième moitié était plus statique et manquait de texture, ailes comprises. Et lancer des pétales de fleurs sur l’interprète en clôture de spectacle, really? C’était d’un kitsch épouvantable. Mais comme j’ai la foi, j’ose croire que ce côté quétaine en est un pleinement assumé. ;)
Pourquoi ai-je passé une bonne soirée alors? Parce que Brigitte M livre la marchandise avec aplomb et un immense talent. Pas besoin d’artifices pour se mettre en valeur, elle maîtrise parfaitement une voix unique, claire et juste, puissante et délicate à la fois. Le spectacle From Metal To Crystal porte bien son nom car le fil conducteur est assurément la voix cristalline et scintillante de Brigitte M. Bien qu’il y ait eu peu de « Metal » à proprement parler (Metallica sauve la donne!) le répertoire allait du glam rock des années 80 au pur opéra italien.
Brigitte M s’est entourée de musiciens su’a coche comme on dit, avec un directeur musical impeccable, un guitariste génial et un orchestre débordant de talent. On aurait aimé un choeur moins effacé, car un peu inutile au final, lui qui tentait de soutenir la voix de la chanteuse qui prenait déjà facilement toute la place.
Je suis déçue qu’on m’ait teasée avec un battle de guitare électrique vs orgue organza au tout début du spectacle, et qu’on ne réutilise pas le majestueux instrument par la suite. Il aurait meublé l’espace, donné plus de tonus à certaines pièces et le son, venant de l’arrière, aurait porté les spectateurs vers la scène, permettant de vivre une expérience musicale dolby surround.
L’acoustique de l’Oratoire St-Joseph étant faite pour que les basses voyagent beaucoup et l’effet soit plus long que dans une salle conventionnelle, elles enterraient parfois la chanteuse dans les pièces plus douces, comme Immortal de Evanescence, d’ailleurs une des seules ombres au gracieux tableau offert hier soir.
L’autre bémol de la soirée : Space Oddity, cette fois-ci reprise avec un tempo plus rapide et démarrée trop haute pour recréer l’effet d’ascension graduelle de Bowie. La manœuvre était peut-être pour assurer un enchaînement fluide avec The Final Countdown (Europe) mais l’effet était tiède et le morceau pas à la hauteur.
Le moment intense du concert est sans contredit l’interprétation de Con Te Partiro, impeccable du début à la fin. Il faut avoir des tripes pour s’attaquer à une pièce d’Andrea Bocelli et Brigitte M a relevé le défi avec brio. On pourrait d’ailleurs tisser des parallèles entre la jeune chanteuse et Sarah Brightman, qu’on entend sur la version anglaise Time To Say Goodbye.
Sensations fortes avec Nothing Else Matters (Metallica) qui est probablement LA pièce du registre métal complet qui se prête le mieux à ce type d’adaptation. Un classique indémodable et universel. Brigitte M a offert d’excellentes performances sur Dream On (Aerosmith), Still Loving You (Scorpions) mais mon coup de cœur du concert est la mythique I Was Made For Loving You de KISS. Il m’a vraiment semblé que Brigitte avait déconstruit la pièce pour se l’approprier et en faire une toute autre chanson. Les tonalités donnaient un nouveau sens aux mots et le contraste entre la voix claire et la lourdeur des arrangements avait un petit quelque chose du Fantôme de l’Opéra.
Finalement, bien que l’Oratoire eut été approprié pour ce genre d’événement, il me semble que le show pourrait aisément trouver preneurs dans d’autres villes du Québec et faire une tournée des régions. Un tel concept de spectacle est un excellent moyen de découvrir une artiste à la voix exceptionnelle et d’initier le commun des mortels à la musique classique et à l’opéra. On retrouverait assurément une église bondée partout où l’ange Brigitte M s’arrêterait…
Crédit Photo: Richard Champagne