Jeff et Sébastien en 7 F
C’est au New City Gas que j’ai eu la chance de m’entretenir avec Jeff Stinco et Sébastien Lefebvre de la formation Simple Plan, deux hommes généreux, sympathiques et chaleureux avec qui j’ai eu beaucoup de plaisir à piquer un brin de jasette.
Fans
M.-H. A. : Salut les gars! Je voyais le nombre de personnes à l’entrée qui font la file depuis tôt ce matin, je me demandais, avez-vous été fans ou êtes-vous fans d’artistes ou de groupes au point de faire la file comme ça sous cette grosse canicule?
S. L. : Je dois avouer que non.
J. S. : Nos fans sont malades! Ils sont assez dédiés à la cause. Moi, j’ai jamais vécu ça, j’ai jamais fait ça. Mais c’est assez répandu chez les fans de Simple Plan. On est chanceux d’avoir des fans un peu partout sur la planète qui font ce genre de truc-là, qui arrivent presque la veille des fois, pour pouvoir être aux premières loges. On est juste vraiment chanceux, honnêtement d’avoir des fans aussi dédiés que ça.
S. L. : Il y en a qui voyagent aussi.
J. S. : On est les Grateful Dead du pop punk!
M.-H. A. : Oui vraiment! Tantôt j’entendais justement qu’il y a des fans qui viennent du Mexique.
J. S. : On a des Brésiliens qui nous suivent. Ils ont vraiment tendance à nous suivre longtemps.
M.-H. A. : Brésiliens ou Brésiliennes?
S. L. : Brésiliennes!
J. S. : Brésiliennes, Brésiliennes.
(rires)
S. L. : Peu importe où on est dans le monde, il y a au moins un Brésilien au spectacle. C’est vraiment particulier.
M.-H. A. : Comment vous vous sentez de savoir que vous avez tout ce support-là des gens des quatre coins de la planète?
S. L. : C’est très touchant! On se sent chanceux. Premièrement qu’ils soient encore là, parce qu’on est rendus à notre 5e album puis ça fait plus de 15 ans qu’on est dans le groupe et de voir qu’il y a des gens qu’on a réussi à toucher comme ça, moi ça me touche en retour.
J. S. : Moi j’y pense pas particulièrement souvent, franchement en toute honnêteté, mais tu vois, on vient de faire une tournée aux États-Unis avec le Vans Warped Tour et ce que je trouvais fascinant c’est qu’on voyait de très, très jeunes, qui n’ont pas nécessairement grandi avec ce genre de musique-là, qui tout d’un coup venaient nous voir en spectacle, qui connaissaient les chansons… Moi ça… C’est malade mental! C’est quand même spécial que des vieilles tounes qui sont sorties au début 2000, que ces jeunes-là qui ont 15 – 16 ans, les ont entendues. Ça c’est vraiment puissant! C’est le pouvoir d’une grande chanson, il y a quelque chose de plus grand que le band. Il y a quelque chose de presque magique là-dedans. C’est à l’ère de l’internet, la musique continue de circuler, même bien après que le band ait terminé leur tournée.
Fondation
M.-H. A. : Une de nos lectrices s’implique auprès de la Fondation Simple Plan et elle voulait savoir comment vous vous sentez de savoir qu’il y a des fans qui s’y impliquent?
S. L. : C’est le retour ultime du concept «pay it forward»
J. S. : Je m’en allais tellement dire ça!
S. L. : On a vu qu’on pouvait aider des gens, c’est pour ça qu’on a parti la fondation et si ça inspire d’autres gens à aider encore plus, c’est LA façon la plus efficace de changer le monde. C’est à petite échelle, mais ça grandit.
M.-H. A. : Prévoyez-vous un autre concert pour la fondation?
S. L. : C’est certain, je pense que ça en prend un à toutes les années. Je t’avoue qu’en ce moment, on est pas mal en mode album. Le concert pour la fondation, ça viendra j’imagine.
J. S. : On a des engagements financiers à respecter. À chaque année, on doit lever un certain montant. Le but de la fondation, c’est d’amasser des fonds et de les remettre à des organismes qui eux, font vraiment le travail sur le terrain. Mais ces gens-là ont besoin d’argent. Tu ne peux pas leur dire une année «Tenez, on vous donne 15 000$ pour votre campagne.» et l’année prochaine, il n’y en n’a pas. On a pris des engagements sur 2, 3, 4, 5 ans, il faut les respecter. Alors cette année, c’est sûr, sûr, sûr qu’il va y avoir un événement. Est-ce que ça va être sous forme de concert? On ne le sait pas vraiment. Concert acoustique ou pas? Une chose est certaine, c’est sûr qu’il va y avoir un événement.
Famille
M.-H. A. : Certains d’entre vous avez des familles, vous voyagez beaucoup, comment vous arrivez à concilier travail famille?
J. S. : Un jour à la fois!
(rires)
S. L. : Je pense que c’est la bonne approche, un jour à la fois. Moi c’est tout nouveau alors on va voir. C’est sûr que maintenant avec FaceTime, Skype et tout ça, ça facilite beaucoup les choses. De pouvoir voir les gens à la maison. Jeff se promène souvent avec son téléphone et il fait visiter ce qu’on est en train de faire à sa famille. J’essaie de voir mon petit bébé. En ce moment, elle est plus concernée à manger le téléphone que de me regarder, mais j’imagine qu’éventuellement elle va me reconnaître et elle va arrêter d’essayer de me manger.
J. S. : Il faut prendre le positif de toute chose. Il y a des gens qui font du 9 à 5 et qui ont une heure de voyagement à faire après le boulot et finalement, ils arrivent à 6 heures. Le temps qu’ils soupent et tout ça, ils ne voient pas leur enfants bien plus pendant la semaine. La fin de semaine, y’a ci, y’a ça. Moi, quand je suis avec mes enfants, c’est condensé. C’est plus un moment privilégié. Après ça, je repars en tournée. On en parlait même ce midi : je paye les factures alors il faut que je parte en tournée. (rires) Outre le côté financier, il y a une question de respect par rapport aux gars de mon band, par rapport à ce qu’on a bâti ensemble. On a une responsabilité de faire perdurer Simple Plan et je pense que les gens autour de nous le savent que c’est quelque chose d’important pour nous.
M.-H. A. : Sébastien, quels conseils as-tu demander à tes confrères au niveau de ton nouveau statut de papa?
S. L. : Je pense que ça va venir quand on va être en tournée, je vais demander plus de conseils, mais je pense que l’approche à Jeff, un jour à la fois, c’est la meilleure. Parce que si tu fais juste regarder combien de temps ça prend avant que tu rentres à la maison, tu ne pourras pas profiter de ta tournée et si tu fais l’inverse quand tu es à la maison, tu te dis «J’veux pas partir, j’veux pas partir.», là non plus tu ne profiteras pas de ton temps à la maison. Alors une journée à la fois, je pense que c’est la meilleure approche.
M.-H. A. : Un jour à la fois, ça s’applique à n’importe quoi finalement.
S. L. : Ça c’est un conseil de vie, pas juste pour la famille. Life coach Stinco.
(rires)
J. S. : Jeff Stinco, life coach. On est dans une société où on anticipe beaucoup. On essaie de se projeter super loin dans le futur, mais la réalité c’est que… Il faut que tu profites du moment présent. Il y a quelque chose d’un peu hippie là-dedans, mais on fait de la musique et plus que n’importe qui, on vit dans le moment présent. Quand on fait un show, c’est là, là. On est pas en train de penser à 3 tounes plus tard, t’es en train de jouer. C’est quelque chose de sain. Il faut que tu le transposes un moment donné et que tu sois conséquent aux autres sphères de ta vie.
Fame
M.-H. A. : Dans votre métier, quel aspect vous fait le plus tripper, ce qui vous fait un peu oublier que votre famille est au loin?
S. L. : Moi en ce moment, je dirais que c’est une espèce de mélange entre être sur scène et l’interaction avec les fans. Parce que là ça fait tellement longtemps qu’on n’a pas fait de tournée que juste de voir l’intensité et le pouvoir de la musique, ça me redonne le goût d’embarquer sur la scène alors là, on a commencé une tournée, ça faisait longtemps qu’on n’en n’avait pas fait et d’avoir cette interaction là et l’énergie de la foule, ça m’allume beaucoup.
J. S. : Simple Plan c’est né super simplement d’un désir de jouer partout sur la planète. On était super naïfs…
S.L. : Le simple désir de conquérir le monde, juste ça.
(rires)
J. S. : Non mais c’est simple. Il y avait quelque chose de super naïf, on veut jouer sur la planète au complet. On voulait la visiter. Ce n’était pas de la conquérir, c’était pas ça l’idée, on voulait juste jouer un peu partout, aller visiter puis c’était naïf comme ça. On voulait jouer nos tounes, comme nos bands préférés. C’était pas plus compliqué que ça. Et c’est ça qui est arrivé. Mais j’ai le goût de me pincer à chaque fois. Quand on arrive dans des grosses villes et là tu fais «Tabarouette! Comment ça se fait qu’il y a tant de monde!?!» Et il y a quelque chose de particulier, on est capable d’attirer autant de monde dans presque toutes les grandes villes sur la planète. Il y a quelque chose de vraiment, vraiment spécial à ça. Moi, ça m’impressionne encore énormément.
M.-H. A. : Justement, dans les villes que vous avez visitées, dans les pays que vous êtes allés voir, lequel vous conseillez aux gens? Que ce soit le paysage, l’accueil des gens…
S. L. : (s’adressant à Jeff) Tu veux le Brésil ou le Japon? (rires) Ça va être un des deux, je peux t’en laisser un.
J. S. : Je vais prendre le Brésil. Il y a une sorte d’énergie incroyable. On dirait que tout le monde est en feu tout le temps. C’est tout le temps la fête, les gens sont allumés. C’est comme ce qu’on entend parler de l’Espagne, mais c’est plus encore. On dirait que les gens ne dorment pas. Ils sont tout le temps en train de fêter. La passion dans le tapis. Le monde est beau, le monde est fin, c’est vraiment particulier. Et pour nous, c’est sûrement la réception la plus spectaculaire qu’on reçoit n’importe où sur la planète. On arrive à l’aéroport et c’est le chaos complet. Il y a des gardes de sécurité qui viennent nous escorter.
S. L. : Des fois, ils ne nous laissent pas sortir par l’aéroport, ils nous disent qu’on n’a pas le choix de passer par l’arrière parce qu’en ce moment, on ne peut pas contrôler, c’est un risque de sécurité pour l’aéroport en soi et pour les fans eux-mêmes, ils nous font sortir par derrière. Ça c’est assez intense. Sinon, il y a le Japon qu’on adore aussi. Il y a un espèce de dépaysement encore là-bas qui est vraiment agréable. Les fans sont super respectueux et en même temps, ils sont super intenses. Puis c’est la bouffe! On adore aller là-bas.
Fines gueules
M.-H. A. : Quel est l’aliment le plus étrange que vous ayez mangé?
J. S. : Du poulet cru c’est assez intense. Le century egg. Le fruit qui sent super mauvais en Asie. Il y a même des hôtels qui n’ont pas le droit de le servir.
M.-H. A. : Vous y avez goûté?
J. S. : Oui, oui. Ça goûte super bon! Ça sent vraiment mauvais, mais ça goûte super bon. Un century egg qui a été fermenté pendant 100 jours. Moi j’y ai pas goûté par exemple.
S. L. : Moi non plus.
J. S. : J’ai goûté à du nato et ça goûte ce que sent une couche pour enfant.
S. L. : Sinon, quelque chose d’intéressant par exemple c’est des crevettes tempura. Tu choisis ta crevette dans l’aquarium quand elle est en train de nager et quand ils te la donne, les antennes bougent encore. Ça, je suis moins game. Et récemment, du calmar…
J. S. : C’est ça que j’allais dire!
S. L. : Calmar sashimi. Sashimi ça veut dire cru, donc vivant. Alors ils le coupent et il bouge encore. C’est pas bon! C’est comme du caoutchouc.
Foi
M.-H. A. : Simple Plan a gravi les échelons et a mérité sa place, on le sait. Certains vont faire de la visualisation, vous, avez-vous des trucs à donner pour atteindre ses objectifs?
J. S. : Je pense qu’il faut faire attention parce que chacun a sa spiritualité, sa vision des choses. On ne serait pas le genre de groupe à imposer quoi que ce soit, mais la visualisation c’est pas une invention. Les sportifs l’utilisent. Si tu veux atteindre certains niveaux, musicalement, je pense que la visualisation c’est super important. En musique, ils parlent de pratiquer dans ta tête. Je pense qu’on le fait tous. Quand tu es dans un autobus, tu répètes tes trucs. La projection. Je vais l’expliquer d’une manière simple. Si tu imagines que tu vas avoir des problèmes d’argent tout le temps, que ton linge est tout le temps sale, que ta maison va être laide, t’as pas vraiment de grosses chances d’aller super loin dans la vie. Inverse le principe et d’après moi, t’as peut-être plus de chances de réussir des grandes choses alors je te dirais que c’est un peu notre approche.
S. L. : C’est un peu la même chose. Essayer de voir le positif dans les choses. Comme aujourd’hui on a une journée de fou! Mais à la place de me dire que je suis fatigué, je me dis qu’on a un super spectacle ce soir avec des gens qui se sont inscrits à un concours pour être absolument en première rangée. Il y a deux façons de voir ça : la journée est longue ou la journée est trippante et on fait plein de choses pour le band?
M.-H. A. : C’est de voir le bon côté des choses finalement.
J. S. : C’est encore drôle, hein! J’ai fait une petite expérience récemment. J’ai fait M. Positif et tout le monde me disait «Hey, t’es donc bien gossant!» (rires) «Je suis juste en train de te dire de penser positivement à la situation.» «T’es gossant!!»
S. L. : Quand tu fais semblant de sourire, tu finis par sourire.
J. S. : Tout le monde riait autour de moi, tout le monde me trouvait cave, mais à la fin, il n’y avait plus personne qui chialait sur la situation.
S. L. : Quand on chiale, on chiale avec le sourire. « Hey ça va être poche tantôt! On est fatigués ce soir!» (en riant)
Finale
M.-H. A. : Vous avez atteint plein d’objectifs que d’autres artistes rêvent d’atteindre, qu’est-ce qu’on peut vous souhaiter?
S. L. : Ben oui! Que le prochain album soit un succès interplanétaire. C’est toujours un bon souhait parce que nous surtout ce qu’on veut, c’est continuer. Juste le fait qu’on soit rendus à faire un cinquième album, c’est plus que ce qu’on aurait jamais espéré alors que ça continu et qu’après ça, il y ait une belle tournée, ensuite un sixième album et ensuite une belle tournée…
J. S. : C’est la pérennité, c’est vraiment ça. Je parlais à ma mère, il n’y a pas longtemps et elle me dit «T’as l’air fatigué sur une des photos.» «J’étais fatigué aussi.» Et elle me dit «Combien de temps tu penses que ça peut durer? Les Rolling Stones ça fait un peu pitié.» Moi je lui ai dit «Moi je trouve ça cool les Rolling Stones!» Je trouve ça malade mental qu’un groupe soit encore capable d’écrire des chansons, de monter sur scène, qu’il y ait autant de gens qui veulent les voir. Je ne pense pas qu’on se rende jusque là, mais moi en tout cas, je ne vois pas la fin. C’est pas quelque chose qui est dans un avenir rapproché. Tu parlais de visualisation? C’est pas ça que je visualise.
S. L. : Ça se peut qu’on ralentisse à un moment donné pour se donner une chance, mais d’arrêter au complet, je ne le vois pas non plus.
Nous leur souhaitons donc tout le succès du monde et qu’ils continuent de le parcourir. Un grand merci à Jeff et Sébastien pour leur accueil et pour leur simplicité malgré leur statut de star. Longue vie à Simple Plan!
Crédit photo: ©Véronyc Vachon/MatTv.ca