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Anatomie d’un suicide

Une tragédie contemporaine féministe

Anatomie d’un suicide
Crédit photo : Charles-Olivier Royer

Par : Sylvie Tardif

La première d’Anatomie d’un suicide avait lieu à l’Usine C le 26 novembre dernier. J’en suis encore bouleversée.

Cette pièce de théâtre d’Alice Birch, traduite par Maryse Warda, et mise en scène par l’artiste pluridisciplinaire Brigitte Poupart raconte l’histoire tragique de trois générations de femmes d’une même famille aux prises avec des problèmes de santé mentale. Le design audiovisuel confié à l’artiste japonais Ryoichi Kurokawa est sublime. Il accompagne le mal-être intérieur des comédiennes.

Les images de maisons en ruine et d’implosion de forêt deviennent un commentaire sans mots de l’effondrement intérieur qui traverse ces trois femmes. La scène est complètement inondée et elle le restera tout au long de la pièce. Cette eau qui traverse les trois tableaux qui représentent les trois époques dans lesquelles évoluent les trois comédiennes rappelle le drame qui les touche. L’eau, c’est la mer utérine, c’est la mère nourricière, c’est le rappel d’un suicide dans une baignoire.

Usine C
Crédit photo : Charles-Olivier Royer

Les trois comédiennes principales, Sarianne Cormier, Amélie Dallaire et Larissa Corriveau, interprètent la douleur de vivre avec une justesse émouvante. Les trois tableaux étant par moments en jeu en même temps, pour l’expression d’une même souffrance à travers le temps, les comédiennes devaient livrer des répliques synchronisées. Elles ont démontré une maîtrise parfaite de leur jeu pourtant très exigeant.

Le jeu des comédiens et des comédiennes, la mise en scène habile et réfléchie de Brigitte Poupart, et les images de Kurokawa en phase avec le propos, ont mis en valeur le texte de l’autrice qui porte des thématiques nécessaires à exprimer, mais combien dures à recevoir. Il s’agit de santé mentale, de suicide, d’hérédité, de transmission familiale, mais également du regard de la société qui pousse à la rupture de soi, du regard extérieur qui tue, du conditionnement social des femmes.

Brigitte Poupart
Crédit photo : Charles-Olivier Royer

L’œuvre artistique, Anatomie d’un suicide, menée d’une main de maître par Brigitte Poupart et ses comédiennes est sans doute le meilleur lieu où l’expression des enjeux de la santé mentale, du conditionnement social des femmes, est la plus puissante, la plus dérangeante. Une voix artistique forte pour nous sensibiliser à ce qu’on a tendance à taire.

Cette pièce de théâtre est présentée à l’Usine C jusqu’au 7 décembre 2024. Je lui souhaite une longue vie puisqu’il faut voir et revoir cette oeuvre artistique magnifique malgré la tragédie abordée.