Qui aime bien châtie bien
©Benoit Vermette/MatTV.ca
Comme l’expression québécoise le dit si bien : on taquine ceux qu’on aime. C’était le cas dimanche dernier lors de la 17e édition du gala des Olivier, qui a récompensé les meilleurs faiseurs de rires du Québec, avec des séances de « bitchage » bien senties! Bien plus qu’un passe-temps, l’industrie de l’humour est l’une des plus florissantes du secteur culturel au Québec. L’humour se trouve dans toutes les sphères du divertissement et est aussi ancré dans l’esprit des Québécois que le hockey puisse l’être (et visiblement, s’en sort mieux…).
Après un tapis rouge conventionnel où on retrouvait toutefois quelques traces d’audace, le gala a commencé avec un beau malaise : une chorale de jeunes enfants avec danseuses de french cancan en arrière plan. Laurent Paquin a rapidement pris le contrôle du spectacle pour lancer les festivités, dépeignant le public québécois comme un vieux chum pour qui on fait sans hésiter huit heures de route pour passer un bon moment : « Toutes les niaiseries qu’on dit c’est un peu notre façon à nous de vous dire merci ».
Le premier prix remis par Philippe Bond et Dominic Paquet, tièdes en terme d’imitation, était Spectacle d’humour le plus populaire, qui est allé pour une seconde année à Louis-José Houde et son excellent show Les heures verticales. L’humoriste remportait ainsi son 19e Olivier en carrière. En plus de son équipe habituelle, il a profité de la tribune pour remercier Simon Gouache et Phil Roy (l’hôtesse de la soirée), qui alternent en faisant ses premières parties en tournée : « Phil Roy : 27 ans, l’attitude d’un gars de 16, les cheveux d’un gars de 54 ».
Preuve que les humoristes sont les meilleurs pour amener des animations drôles dans les galas, on a invité Alex Nevsky à refaire ses remerciements diffus de l’ADISQ, qui lui avait valu de nombreuses critiques, pour montrer l’exemple à ne pas faire au cours de la soirée. Phil Roy, définitivement la meilleure hôtesse depuis Just to buy my love, l’a interrompu en lui fracassant une guitare sur la tête.
François Bellefeuille a ensuite présenté la catégorie Comédie à la télévision, où Martin Matte s’est avéré le vainqueur des ondes avec sa savoureuse série Les beaux malaises. Après Les Prix Gémeaux et le gala Artis, l’Olivier représente le 8e trophée gagné pour la populaire comédie de situation. L’an dernier le trophée était allé aux Pêcheurs, encore en nomination dans cette catégorie.
Autres rois des ondes à leur manière, Jean-René Dufort et Pierre Brassard ont présenté l’Olivier Comique malgré lui, une catégorie qui met en valeur depuis quatre ans les personnalités publiques du Québec. Le prix amplement mérité revient à Jean Tremblay pour l’ensemble de son œuvre. On se tourne ensuite vers un autre registre d’absurde avec le Numéro d’humour de l’année. André Sauvé, récipiendaire de l’Olivier 2015, se retrouvait donc à gagner un prix pour avoir présenté un prix. L’attachant humoriste a fait rire aux éclats la salle en décrivant la mise en abîme et l’angoisse existentielle qui en découlerait s’il devait gagner l’an prochain le même prix pour les remerciements de ce prix-ci (tout le monde suit?).
« Une catégorie qui devrait recevoir tellement plus de reconnaissance (c’est un auteur qui l’a écrit) » est sans conteste celle des Auteurs de l’année. Même avec une bonne scénographie, un aplomb sur scène et des effets spéciaux d’enfer, un humoriste ne tiendrait pas longtemps seul sans des textes drôles, pertinents et originaux. Les Auteurs de l’année 2015 sont donc Cathy Gauthier, Pierre Fiola, Julien Tapp et Rémi Bellerive pour Pas trop catholique de Cathy Gauthier, qui remporte son premier Olivier avec ce troisième spectacle. L’artiste, qui a d’abord construit sa carrière sur la vulgarité, dit prier avant un spectacle Olivier Guimond; le prix a donc une grande signification pour elle.
Passons rapidement sur la chanson de Laurent Paquin et Louis-Jean Cormier, unis par la jalousie et la haine, qui ne marquera pas l’histoire des duos québécois ni celle de la carrière de Paquin, généralement plus drôle avec sa guitare. Même chose en ce qui a trait à la présentation de Simon Leblanc de la catégorie Découverte de l’année, qui raconte d’ordre général de bien meilleures histoires que la perte de contrôle de sa sueur lorsqu’il a remporté le prix l’an dernier. Après le sketch Hunger Games aux Olivier 2014, ce sont les animateurs de l’Antichambre qui ont présenté les nommés cette année : Virginie Fortin, Mariana Mazza, Pierre-Luc Pomerleau, l’auteur Fabien Cloutier et, évidemment, la légende franco-ontarienne Katherine Levac. Révélée au grand public par SNL Québec, son humour incisif et ses répliques irrévérencieuses l’ont tôt propulsée au rang de star montante de l’humour. Elle a terminé son discours de remerciements par un commentaire éditorial digne de Paidge Beaulieu « C’est la première fois dans l’histoire des Olivier qu’une fille remporte le prix Découverte et ça veut juste dire que cette année on était chanceuse ». Chapeau à ces filles audacieuses qui dominent le milieu émergent de l’humour québécois!
Edith Cochrane et Stéphane Fallu ont ensuite présenté la catégorie Capsule, sketch ou série humoristique dans un nouveau média (parce que Internet est encore considéré comme un nouveau média). Pour une autre année c’est la websérie Fiston de Jonathan Roberge qui a remporté les honneurs. Après 15 millions de vues en ligne et 15 millions de mercis, l’équipe sort prochainement un livre et se lance dans une nouvelle série, un spin off de Fiston qui s’appellera Papa. Surveillez la campagne de sociofinancement!
Le délire de Yannick de Martino et Olivier Martineau aura cédé la place à un François Morency sobre dans ses remerciements pour recevoir le prix Capsule ou sketch humoristique à la radio. Le prix Mise en scène de l’année était présenté par Sugar Sammy et Mike Ward, qui peuvent décidément se permettre de dire tout ce qu’ils veulent, non seulement parce qu’ils sont gentils, mais surtout parce qu’ils sont drôles. L’an dernier c’est Josée Fortier (en nomination pour Valérie Blais) qui avait remporté l’Olivier pour le spectacle d’André Sauvé. Cette fois-ci c’est Martin Petit qui est monté sur la scène pour recueillir le prix, accompagné de son assistante Marie-Christine Lachance, pour le spectacle de François Bellefeuille, un premier one man show brillant d’originalité et d’éclat.
Mario Tessier, président du Club social des humoristes, et Phil Laprise, mascotte agréée, ont présenté le prix Spécial humoristique à la télévision, décerné sans surprise à Infoman pour une autre année. Jean-René Dufort et ses légendaires collaborateurs (ses Dustin Tokarski) sont montés sur scène recevoir ce prix fort mérité pour la qualité de l’émission, bon an mal an. Les remerciements pleins de sagesse de l’animateur provenaient d’une carte Hallmark tirée au hasard. « Il est bon de savoir qu’il existe encore des gens pour rendre les gens heureux. Merci infiniment ». L’équipe est remontée sur scène peu de temps après pour mettre la main sur l’Olivier Série humoristique à la télévision, aussi remporté l’an dernier. L’invitation officielle est lancée au Ministre Poëti de participer à l’émission l’an prochain.
Le Spectacle d’humour de l’année a fait l’objet d’un voxpop totalement décalé des Appendices. On ne sait pas si c’est pour son « Yogourt, sa Medication, son Becyclage, son Etcetrema » (ou toutes ces réponses), mais le prix fut remis à François Bellefeuille pour son spectacle homonyme, qui conquiert le Québec depuis plus d’un an de tournée. Longue vie à ce personnage plus grand que nature qui amène un vent de fraîcheur dans l’humour grand public (je capote sur ses concepts d’antipubs). Le prix Public de l’année a été décerné à la ville de Québec, récupéré par un Denis Coderre fier qui arborait son chandail du Canadien. Peut-être que l’an prochain Sugar Sammy présentera la ville de Shawinigan…
Pour clore en beauté la soirée, l’Olivier de l’année fut décerné à Martin Matte, le seul à ne pas avoir joué le jeu du « votez pour lui à la place de moi » dans sa vidéo promotionnelle. Hasard?! Je ne crois pas! Malgré quelques animations tombées à plat et parfois quelques longueurs, le Gala des Olivier 2015 a rappelé aux auditeurs la place unique qu’occupe l’humour au Québec, signe d’une société mature, distincte et ouverte sur les autres. Soulignons l’hommage bien exécuté à Gilles Latulippe, grand disparu de la dernière année, dont le ton burlesque était tout-à-fait à l’image du regretté comique. Pour les#GalaOlivier détails et la liste complète des finalistes et des gagnants des Olivier 2015, cliquez ici.
©Benoit Vermette/MatTV.ca
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