Être soi-même en dépit de tout!

Par : Sylvie Tardif
Nous avons eu l’immense bonheur d’assister à la première de la pièce « Hosanna ou la Shéhérazade des pauvres » au Théâtre du Nouveau Monde jeudi soir dernier. Cette création du Théâtre du Trident, en coproduction avec le Théâtre du Nouveau Monde, amalgame de deux œuvres connues de Michel Tremblay dans une adaptation et une mise en scène signées Maxime Robin.
Extraordinaire! Tout est extraordinaire. Le décor qui est plein de tout ce que pouvait être cet univers déjanté et marginal des jeunes LGBTQ+ de la Main au début des années soixante-dix. La moto de Cuirette (Gabriel Fournier) occupe la place de la liberté tout à côté du petit salon des années cinquante dans lequel le jeune Claude (Sacha Lapointe ou Oscar Vaillancourt en alternance) développe sa sensibilité et son identité sous le regard désapprobateur de sa mère. Enfin, le devant de la scène est occupé par une chambre et un lit surtout, lieu de l’intimité de Claude; tout à côté du bar, le lieu de la vie sociale et publique des personnages marginalisés de l’oeuvre de Tremblay, Cuirette bien sûr, mais également Sandra (Jonathan Gagnon), la Duchesse de Langeais (Jacques Leblanc) et la chanteuse Valérie Laroche qui met en voix de magnifique façon les tubes des années 60-70.

Le personnage de Claude âgé joué par Luc Provost qu’on connaît davantage sous les traits de Mado Lamotte est installé sur son balcon et il raconte dans son peignoir doré en buvant des cocktails à un jeune journaliste prénommé Yannick (Sally Sakho) l’époque dans laquelle il a évolué sous les traits de Hosanna (Vincent Roy) et, surtout, la fameuse soirée de 1973 où déguisé en Cléopâtre telle qu’incarnée par son idole d’enfance Elizabeth Taylor, il se fera humilié au point de quitter ce milieu et de s’enfermer chez lui, blessé à jamais.

Les comédiens sont crédibles, touchants, émouvants, et la pièce adaptée est d’une pertinence encore aujourd’hui alors qu’on peine à comprendre les identités de genre et les bouleversements qui viennent avec la quête de trouver son identité bien à soi et sa place dans le monde. Mention spéciale aux trois Claude, l’enfant, le jeune adulte et l’homme âgé qui nous permettent de comprendre vraiment tous les enjeux de la pièce. La fin de la pièce m’a émue aux larmes. On sent que l’identité de Claude mise au jour pendant l’enfance, explorée comme jeune adulte et refermée sur elle-même par l’adulte blessé est peut-être enfin résolue ou apaisée chez l’homme qui entame le dernier tiers de sa vie. J’ai pleuré.

Cette proposition du Théâtre du Nouveau Monde est une fois de plus résolument moderne. Le monde de Michel Tremblay possède un bel avenir. Cette pièce sera présentée au TNM jusqu’au 9 décembre et elle partira en tournée ensuite. Il faut absolument la voir. Veuillez consulter le site Web du théâtre pour prendre vos billets à Montréal et connaître les dates de représentation en région.


