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Le chant de la terre de Mahler par l’OSM

Une fin de saison printanière

L'OSM présente le chant de Mahler
Crédit photo : Gabriel Fournier

Par : Lucia Cassagnet

Avec le printemps qui s’installe fermement sur Montréal, c’est le début de la chaleur, et aussi, tristement, la fin de la programmation annuelle de l’Orchestre symphonique de Montréal (OSM).

La programmation 2024-2025 se termine cette semaine avec le spectacle « Le chant de la terre par Mahler » avec Rafael Payare à la baguette magique. Pour l’occasion, et afin de nous convaincre (c’était déjà fait, mais bon), que l’OSM est toujours aussi extraordinaire, on a été gâtés par des créations incroyables aux sonorités autochtones.

Une collaboration historique

Pour sonner le départ de la soirée, la cheffe de la direction, Mélanie La Couture, est montée sur la scène pour introduire le programme de la soirée. Avant tout, par contre, elle a pris le temps de reconnaître que l’île de Montréal est en fait le territoire non cédé. Tiohtià:ke, selon l’appellation des Premières Nations, est reconnue historiquement comme un lieu de rassemblement.

Autrefois, il y a peut-être même pas si longtemps que ça, le fait de prendre le temps de reconnaître l’identité autochtone de Montréal n’aurait jamais été possible dans un endroit comme la Place des Arts. C’est une belle démonstration que les relations avec les peuples autochtones avancent. Mais, je dois dire quand même que le fait de le mentionner seulement lors des spectacles où des artistes et des oeuvres des Premières Nations sont présents – et non avant chaque spectacle de la programmation – ça enlève un peu de crédibilité à l’effort de réconciliation…

Après les cérémonies d’ouverture, place à la culture autochtone!

Emma Pennell à l'OSM
Crédit photo : Gabriel Fournier

Une première oeuvre, You Can Die Properly Now (Vous pouvez mourir correctement maintenant) est écrite par Michelle Sylliboy et Emma Pennell sur la musique d’Ana Sokolovic.

Sous la voix majestueuse de la soprano Emma Pennell, on voyage dans une des parties sombres de l’histoire canadienne. En effet, l’oeuvre est dédiée aux enfants autochtones envoyés dans les pensionnats canadiens qui ne sont jamais revenus chez eux.

Chantée en Mi’kmaq, cette oeuvre porte une lourdeur particulière du fardeau de cet épisode de notre histoire. Les paroles, projetées visuellement en langue autochtone sur le mur (et traduites en français et anglais), étaient remplies de la tristesse générationnelle héritée par les Premières Nations.

Pennell, avec sa voix puissante et lyrique, a offert une performance digne de l’OSM.

Elisabeth St-Gelais à l'OSM
Crédit photo : Gabriel Fournier

On a continué ensuite avec Un cri s’élève en moi, une oeuvre de Ian Cusson (musique) et de Natasha Kanapé Fontaine (texte). Avec la voix de la soprano Elisabeth St-Gelais pour l’interprétation de cette deuxième oeuvre, Un cri s’élève en moi nous amène encore une fois dans l’histoire, cette fois pour découvrir les femmes autochtones.

Sous les notes de Cusson ajoutées au poème de Fontaine on parle de naissance, d’épanouissement, du pouvoir et de la résilience des femmes autochtones.

« Je suis le poème de l’existence » chante haut et fort St-Gelais.

L’oeuvre se termine par une phrase que j’ai trouvée très intéressante. « Je me souviens… » On la connaît comme symbole de l’identité québécoise. Cette phrase est évocative d’un passé franco-canadien, politique et assumé. Mais, lorsque juxtaposée dans un poème d’une femme autochtone, jouée par une orchestre de musique classique héritée de l’Europe, devant un public québécois où les autochtones sont en minorité, cette phrase prend un sens audacieux et plein de défi.

De la terre à la musique

Michelle DeYoung à l'OMS
Crédit photo : Gabriel Fournier

La deuxième partie de la programmation était beaucoup plus classique, avec nul autre que Gustav Mahler et son oeuvre Le chant de la terre.

On reste toujours dans la thématique printanière de la terre, de la relation avec la nature, le cosmos, ce qui nous entoure et ce qui vient avant et après nous ; on retrouve la spiritualité autochtone quand même dans cette partie.

L’oeuvre de Mahler, composée au début du XXe siècle, a été un peu un refuge pour le compositeur alors qu’il traversait une période de fortes émotions (perte de sa fille, démission de son poste, découverte de problèmes de santé). Dans un moment difficile comme celui-là, il a trouvé refuge dans la nature et la réalité éphèmère des humains.

Cette symphonie invite deux voix à partager la scène avec l’orchestre. Pour la prestation de l’OSM, c’était la mezzo-soprano Michelle DeYoung et le ténor Nikolaï Schukoff qui étaient présents.

Nikolaï Schukoff à l'OSM
Crédit photo : Gabriel Fournier

En chantant chacun leur tour, toujours sous la direction de Rafael Payare et ses gestes subtils, énergiques et précis, les deux voix et les musiciens de l’OSM ont su naviguer l’oeuvre de Mahler.

La nature était présente entre les instruments, virevoltant à travers les notes, les crescendos et les silences.

C’était finalement sous de chauds applaudissements que s’est conclue la saison 2024-2025 de l’OSM. On se dit bonnes vacances, et à l’automne prochain!

Crédit photo de couverture : Gabriel Fournier

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