Mots et corps de femmes, entre désir et violence!

Par : Sylvie Tardif
Hier soir, l’artiste pluridisciplinaire Pénélope Daraîche-Dallaire inaugurait la salle Réjean-Ducharme du Théâtre du Nouveau Monde en y présentant sa création théâtrale intitulée Cher Journal ; une mutation.
Les projets de l’artiste sont inspirés de son expérience intime, féministe. Elle porte un t-shirt jaune serin sur lequel est écrit : « J’aime les hommes et ça me désole ». Le ton est donné.
En compagnie des comédiennes Catherine Beauchemin et Catherine Cédilot, Pénélope Daraîche-Dallaire nous offre un spectacle à la croisée du théâtre et de la performance.
La scène que les spectateurs sont amenés à contourner pour rejoindre leurs sièges est composée de terre et d’eau au-dessus desquelles pendent des lanières marrons, des lambeaux de matière organique, qui représentent des champignons.

De part et d’autre du centre de la scène occupé par la narratrice qui y écrit son journal, il y a deux figures féminines; l’une qui semble naître de l’humus, matière organique de terre, d’eau, de champignons alors que l’autre gravite entre ciel et terre au moyen d’une barre verticale.
Elles réagissent aux mots. Il est question de désir, de maternité, de violence, de féminicide, de sensualité aussi. Quand les mots expriment la violence, l’une des femmes nous fait un doigt d’honneur. Elles meurent de cette violence et reviennent à la vie, transformées.

Opposition entre le désir féminin, la sensualité des corps et les violences qui sont infligées aux femmes. Quelle image forte que cette arme qui semble conférer de la force à la narratrice, pour devenir phallus qu’elle lèche, qu’elle suce avant de tirer sur la gâchette alors que le canon de l’arme est dans sa bouche. Violence de l’autre ou violence de soi. Les violences sont accompagnées d’une renaissance, d’un plus grand dépouillement comme si la nudité des corps, cette mise à nue conférait du pouvoir plutôt que de la vulnérabilité. Et si le corps des femmes étaient en fait une force?
L’artiste mentionne qu’elle est perpétuellement en colère, qu’elle se sent coupable. Les mots sont puissants. L’art est un acte de résistance qui ne semblait pourtant pas porter beaucoup d’espoir jusqu’à ce que les derniers mots du texte soient prononcés, tout doucement, lumineux : « Le rire d’un enfant. »

Il convient de mentionner la chorégraphie sur pôle de Catherine Beauchemin qui ajoutait une dimension fascinante, par la répétition des mouvements et par l’érotisme des gestes.
Cher journal ; une mutation a été diffusée en septembre 2024 à l’Espace Libre et sera présentée à la Salle Réjean-Ducharme du Théâtre du Nouveau Monde jusqu’au 3 mai 2025. C’est une proposition audacieuse qui se veut un acte de résistance, par la démarche artistique, aux violences qui découlent de notre époque.
Le livre Cher journal; une mutation écrit par Pénélope Deraîche‑Dallaire, illustré par Marie‑Audrey Jacques et publié chez Hurlantes éditrices, décrit l’évolution de la démarche artistique de l’auteur. Il sera en vente au TNM ou sur le site web des Libraires.